Statuts pour profession libérale : comparatif EI, SCP, SELARL, SELAS
Les professions libérales peuvent être exercées en entreprise individuelle ou sous différentes formes de société. Le bon choix dépend de votre niveau de responsabilité, de votre régime social, de vos besoins en protection du patrimoine et de votre mode d’exercice (seul ou à plusieurs).
Quand on exerce une profession libérale, choisir la bonne structure juridique est une décision aussi stratégique que personnelle. EI, SCP, SEL… les options ne manquent pas, mais chacune présente des règles, contraintes et opportunités différentes. Ce choix aura un impact direct sur vos revenus, votre protection sociale, votre responsabilité ou encore vos possibilités de vous associer à d’autres.
L’objectif de cette fiche : comparer les principales structures utilisées par les professionnels libéraux, en particulier pour les professions réglementées.
Qu’est-ce qu’une profession libérale ?
Les professions libérales englobent une grande diversité de métiers exercés de manière indépendante. Ce qui les unit, c’est la nature intellectuelle, technique ou de soins de leur activité, toujours réalisée sous leur propre responsabilité.
On distingue deux grandes familles :
- Les professions réglementées (souvent rattachées à un ordre professionnel) comme les notaires, avocats, experts-comptables ou vétérinaires, qui doivent suivre des règles strictes d’exercice. Elles sont encadrées par un ordre ou une réglementation spécifique et ne peuvent pas choisir n’importe quelle forme juridique.
- Les professions non réglementées, comme les consultants, les sophrologues, les consultants ou les naturopathes, qui jouissent d’une liberté plus grande, y compris dans le choix de leur statut juridique (EI, micro, EURL, SASU…).
Cette distinction est essentielle : un avocat ou un notaire ne peut pas organiser librement son activité en SASU comme un consultant, et doit respecter les structures autorisées par ses textes professionnels.
Les principales structures juridiques pour exercer en profession libérale
L’entreprise individuelle (EI) : pour exercer seul, simplement
Vous démarrez votre activité seul(e) ? L’entreprise individuelle (EI) est souvent la première forme juridique choisie. C’est la structure la plus simple pour se lancer :
- Formalités limitées, comptabilité allégée
- Imposition par défaut à l’impôt sur le revenu (IR), avec option possible pour l’IS
- Depuis 2022, protection renforcée du patrimoine personnel (séparation patrimoine professionnel / personnel)
Mais attention : vous exercez en votre nom propre. Cela signifie qu’il n’y a pas de personnalité morale distincte, ce qui limite les possibilités d’association ou de cession. Et même si vous pouvez opter pour l’impôt sur les sociétés (IS), les leviers d’optimisation restent limités.
L’EI convient bien aux activités libérales individuelles et à ceux qui veulent démarrer leur activité simplement.
La Société Civile Professionnelle (SCP) : l’exercice collectif traditionnel
La SCP est l’une des plus anciennes formes sociétaires utilisées au sein des professions libérales réglementées (notaires, avocats, médecins, etc.). Vous êtes plusieurs à exercer ensemble, vous partagez les recettes, les charges… mais aussi les responsabilités. Car ici, la responsabilité est illimitée et solidaire : si l’un des associés fait défaut, les autres doivent couvrir.
- Responsabilité illimitée et solidaire des associés
- Fiscalité en principe à l’IR (avec option possible pour l’IS)
- Cadre civil avec partage des recettes et des charges
Ses limites sont connues : solidarité risquée entre associés, gouvernance rigide, difficulté à faire entrer ou sortir de nouveaux associés. Elle tend à être concurrencée par les SEL, plus protectrices et plus souples.
Ce cadre civil est fiscalement transparent (IR par défaut), mais commence à montrer ses limites. Rigidité dans la gestion, solidarité risquée, difficulté à faire entrer un nouvel associé, etc.
On la retrouve encore chez les notaires ou les avocats. Mais ce statut est de plus en plus remplacée par les SEL, beaucoup plus protectrices.
Sociétés d’Exercice Libéral (SEL) : un cadre moderne et souple
Créées pour moderniser l’exercice en commun des professions réglementées, les SEL reprennent les formes commerciales classiques (SARL, SAS, SA) tout en conservant un objet civil. Résultat : vous exercez dans un cadre connu (responsabilité limitée, gouvernance souple) et respectez votre déontologie professionnelle.
On distingue trois variantes :
- SELARL (proche de la SARL) : pour une gestion encadrée, gérance souvent affiliée au régime TNS
- SELAS (équivalent de la SAS) : très flexible, idéale pour organiser librement le capital, les pouvoirs, les droits de vote,
- SELAFA (inspirée de la SA) : rare, réservée aux cabinets d’envergure.
Les SEL offrent :
- une réelle protection du patrimoine (responsabilité limitée aux apports),
- de la souplesse par une gouvernance adaptable
- l’accueil d’associés et, le cas échéant, d’investisseurs.
Chaque forme existe aussi en version unipersonnelle (SELARLU, SELASU).
Depuis 2024, la part de rémunération technique est imposée en BNC, même si la société est soumise à l’IS. Et selon la forme choisie, vous serez affilié soit au régime TNS (gérant de SELARL), soit assimilé salarié (président de SELAS).
Attention cependant : la mise en place est plus formelle (statuts, ordre professionnel, annonces légales) et la gestion plus exigeante.
Les associés de SEL restent responsables de leurs actes professionnels. La limitation de responsabilité ne vaut que pour les dettes sociales.
Tableau comparatif des formes juridiques : EI, SCP, SEL, SCM, SISA…
Quelle que soit votre profession libérale, le choix du bon statut est important. Ce tableau vous permet de comparer rapidement les formes juridiques selon vos objectifs : niveau de responsabilité, fiscalité, flexibilité et usages courants.
| Structure | Type de société | Responsabilité des associés | Fiscalité par défaut | Gouvernance | Professions concernées | Finalité / Usage |
|---|---|---|---|---|---|---|
| EI | Entreprise individuelle | Illimitée (responsabilité professionnelle seulement depuis 2022) | IR ou option IS | Très simple | Toutes, surtout non réglementées ou en début d’activité | Exercice en solo, simplicité administrative |
| SCP | Société civile | Illimitée et solidaire | IR ou option IS | Peu souple | Professions libérales réglementées (avocats, notaires, médecins…) | Exercice en commun avec partage des recettes |
| SELARL / SELARLU | Société commerciale (SARL adaptée) | Limitée aux apports | IS | Moyennement souple | Professions libérales réglementées | Exercice structuré seul ou à plusieurs, cadre sécurisant |
| SELAS / SELASU | Société commerciale (SAS adaptée) | Limitée aux apports | IS | Très souple | Professions libérales réglementées | Flexibilité statutaire, gouvernance personnalisée, exercice seul ou à plusieurs |
| SELAFA | Société commerciale (SA adaptée) | Limitée aux apports | IS | Complexe | Grands cabinets libéraux | Adaptée aux structures importantes avec de nombreux associés |
| SCM | Société civile de moyens | Chacun est responsable de ses actes | N/A | Moyennement souple | Toutes, surtout les professions médicales | Mutualisation de moyens, pas d’exercice en commun |
| SISA | Société interprofessionnelle de soins ambulatoires | Limitée aux apports | IS | Moyennement souple | Professions de santé pluridisciplinaires | Exercice coordonné en maison de santé, structure adaptée aux pratiques pluriprofessionnelles |
Et selon votre métier, quelle structure choisir ?
Le choix du statut dépend aussi de votre profession. Les règles ne sont pas les mêmes pour un notaire, un médecin ou un avocat. Voici quelques cas typiques pour y voir plus clair.
Notaires
Le notariat est très encadré. On retrouve encore des SCP, mais de plus en plus d’offices passent en SEL pour sécuriser les responsabilités et faciliter l’intégration d’associés. La transformation en SEL nécessite l’autorisation du Garde des Sceaux et le respect de règles strictes sur la détention du capital.
Médecins
Certains exercent seuls en EI ou SELARLU. Mais beaucoup se regroupent en SCM (pour partager les locaux et le matériel) ou optent pour la SEL, surtout quand l’activité se développe. Ceux qui travaillent en maison de santé peuvent choisir la SISA, une forme hybride adaptée à la pratique pluridisciplinaire.
Avocats
Ils disposent d’un éventail assez large : SCP, SEL, AARPI, SELAS… La SELAS est aujourd’hui plébiscitée, car elle combine responsabilité limitée, flexibilité statutaire et compatibilité avec les règles de la profession.
Faire évoluer sa structure : pourquoi passer en SEL ?
Nombreux sont les professionnels qui commencent en entreprise individuelle ou en SCP, puis envisagent une transformation en SEL. Pourquoi ? Parce que cette évolution permet de :
- Limiter votre responsabilité personnelle,
- Optimiser votre rémunération (via salaires + dividendes),
- Accueillir de nouveaux associés ou investisseurs (surtout en SELAS),
- Ou encore préparer une transmission.
Côté fiscalité, si vous apportez votre activité à une SEL, vous pouvez bénéficier du sursis d’imposition prévu par l’article 151 octies du CGI. Attention : ce dispositif impose de conserver les titres reçus pendant au moins trois ans pour éviter l’imposition immédiate.
Cette transformation nécessite un minimum de rigueur : évaluation du fonds libéral, rédaction de statuts, validation par l’ordre professionnel, publication d’une annonce légale de constitution.
La transformation d’un cabinet en SEL peut permettre une optimisation de la rémunération du dirigeant. Cela permet de dissocier le salaire (soumis aux cotisations sociales) des dividendes (soumis à la flat tax ou intégrés dans une stratégie patrimoniale). Cette option n’existe pas pour les SCP ou l’entreprise individuelle.
Conclusion
Le choix d’une structure juridique n’est pas anodin : il conditionne votre protection, votre fiscalité et même vos perspectives de développement. Que vous exerciez seul(e) ou à plusieurs, que vous soyez en début de carrière ou en phase de structuration, prenez le temps d’évaluer les avantages et limites de chaque statut.
FAQ sur les formes juridiques pour une activité libérale
Quelle est la forme juridique d’une profession libérale ?
Cela dépend de la profession concernée. Une profession libérale non réglementée peut s’exercer sous forme d’entreprise individuelle, de SASU, d’EURL… Pour les professions réglementées, seules certaines structures sont autorisées (SCP, SEL…).
Quelle est la différence entre une SARL et une SELARL ?
La SELARL reprend la forme de la SARL, mais elle est réservée à l’exercice d’une profession libérale réglementée. Elle obéit à des règles spécifiques de déontologie, de gouvernance et de détention du capital.
Est-ce qu’une SEL est une société civile ou commerciale ?
Une SEL est une société commerciale par sa forme (SARL, SAS, etc.) mais avec un objet civil. Elle permet donc de concilier les avantages des structures commerciales avec les exigences propres aux professions libérales.
Peut-on changer de structure en cours de carrière libérale ?
Oui, cela est tout à fait possible et courant. De nombreux professionnels passent d’un statut simple (comme l’entreprise individuelle ou la SCP) à une SEL pour bénéficier d’une meilleure protection et d’une optimisation fiscale.
