Par Romain Inserra
Mis à jour le 19 décembre 2025

Cession de bail commercial : conditions, clauses et formalités

La cession de bail commercial, ou cession du droit au bail, permet à un locataire de transmettre son droit d’occupation des locaux à un successeur, sans attendre l’échéance du contrat. C’est une opération fréquente en cas de changement d’activité, de départ à la retraite ou de déménagement, mais elle est strictement encadrée par les clauses du bail et par la loi. Cette fiche présente l’essentiel à connaître pour sécuriser une cession de bail.

À retenir

  • La cession de bail commercial consiste à transférer au repreneur le droit d’occuper les locaux dans les mêmes conditions que le locataire sortant.
  • Les possibilités de cession et les pouvoirs du bailleur dépendent étroitement des clauses du bail (agrément, solidarité, préemption, etc.).
  • La cession du droit au bail suit un formalisme précis : acte écrit, enregistrement fiscal, information du bailleur et, en pratique, formalités de publicité.
  • Il est essentiel de distinguer la cession du seul bail de la cession du fonds de commerce, qui emporte d’autres conséquences juridiques et fiscales.

Cession de bail commercial : de quoi parle-t-on ?

Le bail commercial est le contrat par lequel un propriétaire met des locaux à la disposition d’un commerçant ou d’un artisan pour exploiter son activité. En contrepartie, le locataire bénéficie d’un droit au renouvellement du bail, sous réserve de respecter ses obligations.

La cession de bail, ou cession du droit au bail, permet au locataire de transmettre ce droit d’occupation à un tiers, appelé cessionnaire. Le bail se poursuit alors aux mêmes conditions (durée, loyer, destination, etc.) mais avec un nouveau locataire.

La cession du droit au bail doit être distinguée de la cession de fonds de commerce, qui emporte transmission de l’ensemble du fonds (clientèle, enseigne, matériel, droit au bail, etc.). Dans ce second cas, le bail est l’un des éléments du fonds, et certaines clauses limitant la cession du bail ne peuvent pas faire obstacle à la vente du fonds.

Pour une vision globale des enjeux liés à la vente de l’activité elle-même (clientèle, matériel, contrats, etc.), vous pouvez consulter notre fiche dédiée à la cession d’un fonds de commerce.

Pourquoi céder un bail plutôt que résilier ?

En principe, le bail commercial est conclu pour une durée minimale de neuf ans. Le locataire peut généralement donner congé à l’expiration de chaque période triennale, en respectant un préavis (sauf cas particuliers prévus par la loi ou par le bail). En dehors de ces échéances, il lui est souvent difficile de mettre fin unilatéralement au contrat.

La cession du droit au bail offre une alternative :

  • le locataire sortant peut se libérer de ses engagements sans attendre la prochaine échéance ;
  • il peut, le cas échéant, percevoir un prix de cession correspondant à la valeur de son droit au bail ;
  • le repreneur bénéficie immédiatement des locaux, aux conditions du bail existant (loyer, durée restante, destination).

En pratique, la cession de bail est fréquemment utilisée en cas de départ à la retraite, de fermeture ou de réorientation d’activité, ou lorsqu’un entrepreneur souhaite reprendre un emplacement bien situé.

Les clauses du bail qui encadrent la cession du droit au bail

Les possibilités de céder le bail et les conditions à respecter dépendent largement des clauses prévues dans le contrat de bail. Avant toute négociation, il est indispensable de relire ces clauses avec attention.

Clause d’interdiction de cession du bail seul

De nombreux baux prévoient une clause interdisant la cession du droit au bail seul, en dehors d’une cession de fonds de commerce. Une telle clause est généralement valable : le locataire ne peut pas, dans ce cas, céder uniquement son droit au bail, sauf accord exprès du bailleur.

En revanche, une clause qui interdirait au locataire de céder son fonds de commerce (et donc le bail qui y est attaché) est en principe réputée non écrite. La protection accordée au locataire commerçant vise en effet à lui permettre de valoriser son fonds, y compris en le cédant avec le bail qui en constitue un élément essentiel.

Clause d’agrément du bailleur

Il est fréquent que le bail prévoie une clause d’agrément imposant de recueillir l’accord préalable du bailleur avant toute cession. Ce dernier doit alors être informé du projet (identité du cessionnaire, activité prévue, garanties financières) et peut accepter ou refuser la cession.

Le refus ne doit pas être arbitraire : un bailleur qui s’opposerait sans motif sérieux (insolvabilité manifeste, activité incompatible avec la destination des lieux, non-respect des clauses du bail, etc.) pourrait voir sa décision contestée devant le tribunal.

Clauses de préemption du bailleur et droit de préemption de la commune

Certains baux comportent une clause de préemption au profit du bailleur : en cas de projet de cession du droit au bail, le propriétaire a la possibilité de se substituer au cessionnaire pressenti et de reprendre lui-même le bail, aux mêmes conditions.

Par ailleurs, dans les périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, la commune peut bénéficier d’un droit de préemption commercial sur les cessions de fonds de commerce et de bail commercial. Dans ce cas, une déclaration préalable du projet à la mairie est imposée, avant la signature définitive.

Clause de garantie ou de solidarité des loyers

Une clause fréquente prévoit que le locataire sortant reste tenu, à titre de garant, du paiement des loyers et charges par le repreneur pendant une certaine durée. Il s’agit d’une clause de garantie ou de solidarité des loyers.

La durée de cette garantie est encadrée par la loi : le bailleur ne peut invoquer cette clause que pendant une période limitée à compter de la cession. Le cédant peut parfois négocier un aménagement ou une réduction de cette garantie, par exemple si le cessionnaire apporte des garanties de solvabilité jugées suffisantes.

Clause « tous commerces » et projet de cession

Lorsque le bail comporte une clause « tous commerces », le locataire dispose d’une grande liberté dans le choix de l’activité exercée dans les locaux. Cela ne signifie pas pour autant qu’il peut céder son bail à n’importe quel repreneur sans contrôle.

Le bailleur conserve un droit de regard sur le profil du cessionnaire et sur l’activité envisagée. Même en présence d’une clause « tous commerces », une clause d’agrément ou des limitations particulières peuvent être prévues dans le contrat et doivent être respectées.

Le bailleur peut-il refuser la cession de bail ?

Le bailleur ne peut pas s’opposer librement à toute cession. Sa marge de manœuvre dépend :

  • des clauses du bail (interdiction de cession du bail seul, agrément, préemption, etc.) ;
  • de la nature de l’opération (cession du seul bail ou cession de fonds de commerce) ;
  • du sérieux des motifs invoqués (solvabilité, respect de la destination des lieux, antécédents, etc.).

En pratique, un refus peut être jugé abusif lorsqu’il n’est pas justifié par des éléments objectifs (par exemple, refus systématique de tout repreneur proposé, alors même qu’il présente des garanties suffisantes). Dans ce cas, le locataire et le candidat repreneur peuvent envisager une action devant le tribunal judiciaire, avec l’assistance d’un avocat, pour obtenir l’autorisation de la cession et éventuellement des dommages et intérêts.

Cession de droit au bail : étapes et formalités

Une fois le principe de la cession de bail arrêté et les conditions validées avec le bailleur, plusieurs étapes doivent être respectées pour sécuriser l’opération.

1. Relire le bail et formaliser l’accord du bailleur

Avant toute chose, il est indispensable de relire attentivement le bail pour vérifier :

  • si la cession du seul bail est autorisée ou interdite ;
  • si un agrément préalable du bailleur est requis ;
  • si une clause de garantie ou de solidarité s’appliquera après la cession.

L’accord du bailleur est généralement donné par écrit, après qu’il a reçu les informations sur le cessionnaire (identité, activité envisagée, garanties financières). En cas de cession imposée par décision de justice, les modalités de la cession sont fixées par le jugement.

2. Vérifier l’éventuel droit de préemption de la commune

Lorsque le local est situé dans un périmètre où la commune bénéficie d’un droit de préemption commercial, le projet de cession doit, le cas échéant, lui être préalablement déclaré. La commune peut décider de se porter acquéreur ou de renoncer. Les modalités pratiques de cette déclaration (formulaire, délais, pièces) sont précisées localement.

3. Rédiger l’acte de cession de droit au bail et l’enregistrer

La cession du droit au bail doit être constatée par un acte écrit (acte sous seing privé ou acte notarié), signé par le cédant et le cessionnaire. Il précise notamment :

  • l’identification du bail (adresse des locaux, références du contrat) ;
  • l’identité des parties (cédant, cessionnaire) ;
  • le prix de cession du droit au bail et les conditions de paiement ;
  • la date de transfert de la jouissance des locaux.

L’acte doit être enregistré auprès du service des impôts compétent dans un délai légal à compter de sa signature. Des droits d’enregistrement sont alors dus, en principe à la charge du cessionnaire, et calculés sur le prix de cession selon un barème par tranches.

4. Publier une annonce légale de cession de droit au bail

En pratique, la cession de droit au bail donne lieu à la publication d’un avis dans un support d’annonces légales habilité dans le département où se situe le local. Cette publicité permet d’informer les tiers (créanciers, partenaires, concurrents, etc.) de la cession intervenue.

L’annonce reprend les éléments essentiels de l’acte : identification du cédant et du cessionnaire, localisation du bail, nature de l’opération, date de l’acte et, lorsque cela est nécessaire, les informations relatives à l’enregistrement.

Pour faciliter cette démarche, vous pouvez utiliser notre formulaire dédié à la rédaction de votre annonce légale de cession de droit au bail et obtenir votre attestation de parution à joindre à votre dossier.

Cession du droit au bail ou cession de fonds de commerce ?

Avant de lancer une cession, il est essentiel d’identifier si l’opération porte uniquement sur le droit au bail ou sur l’ensemble du fonds de commerce. Les conséquences juridiques et fiscales ne sont pas les mêmes.

Cession du droit au bail Cession du fonds de commerce
Objet Transfert du seul droit d’occupation des locaux (bail commercial) au profit du repreneur.
Éléments transmis Droit au bail uniquement, sauf accord spécifique pour d’autres éléments.
Éléments du fonds Clientèle, enseigne, droit au bail, matériel, éventuellement contrats rattachés au fonds, selon le contenu de l’acte.
Formalités principales Acte de cession du bail, enregistrement, formalités d’information et, le plus souvent, annonce légale de cession de droit au bail.

Dans certains cas, ce qui est présenté comme une “simple” cession de bail correspond en réalité à une cession de fonds de commerce déguisée (transfert de la clientèle, de l’enseigne, du matériel, etc.). Il est alors indispensable de se faire accompagner par un professionnel (avocat, notaire, expert-comptable) pour qualifier correctement l’opération et respecter les formalités adaptées.

Risques d’une cession de bail mal préparée

Attention aux conséquences d’une cession irrégulière :

Une cession de bail réalisée en violation des clauses du contrat ou sans respecter les formalités légales peut être contestée par le bailleur. Dans les cas les plus graves, elle peut entraîner la résiliation du bail, la remise en cause de la cession ou des demandes de dommages et intérêts. Les erreurs sur la qualification de l’opération (bail seul ou fonds de commerce) peuvent également avoir des conséquences fiscales importantes.

FAQ sur la cession de bail commercial

Le bail peut-il interdire toute cession de mon bail commercial ?

Le bail peut interdire la cession du seul droit au bail, ce qui limite la possibilité de céder séparément le bail sans le fonds de commerce. En revanche, une clause interdisant purement et simplement la cession du fonds de commerce (et donc du bail avec le fonds) est en principe réputée non écrite. Il est donc important de vérifier précisément ce que le bail permet ou interdit avant d’engager des démarches.

Le bailleur peut-il s’opposer à la cession de mon bail ?

Lorsque le bail prévoit une clause d’agrément, le bailleur peut refuser un repreneur, mais seulement pour des motifs sérieux et objectifs (insuffisance des garanties financières, activité incompatible avec la destination des lieux, non-respect des clauses du bail, etc.). Un refus systématique et non motivé peut être qualifié d’abusif et contesté devant le tribunal judiciaire.

Faut-il toujours publier une annonce légale pour une cession de droit au bail ?

La cession du droit au bail implique au minimum un acte écrit et des droits d’enregistrement. En pratique, la cession donne également lieu à une publication dans un support d’annonces légales, qui permet d’informer les tiers de l’opération et de produire une attestation pour les différentes démarches. En cas de situation particulière ou de doute sur les obligations applicables à votre cas, il est conseillé de solliciter l’avis d’un professionnel.

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