Passer de micro-entreprise à EURL ou SASU : pourquoi et comment changer de statut ?
Lors des débuts d’une activité entrepreneuriale, la micro-entreprise (aussi appelée auto-entreprise ou auto-entrepreneur) est souvent le statut privilégié. Sa simplicité administrative de création et de gestion, ses charges sociales réduites et son régime fiscal allégé en font un choix judicieux pour tester une idée ou lancer un projet. Cependant, lorsque l’activité se développe et que le chiffre d’affaires augmente, ce statut peut s’avérer limitant. C'est à ce moment précis qu’une transition vers une structure plus complexe, comme l’EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) ou la SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle), peut être pertinente. Cet article vous explique en détail pourquoi et comment effectuer ce changement, ainsi que les avantages et inconvénients de chacun de ces trois statuts juridiques.
Les avantages de la micro-entreprise
La micro-entreprise est le statut qui offre la plus grande simplicité administrative et comptable. Elle est parfaite pour lancer une activité :
- Les démarches administratives pour lancer une activité en micro-entreprise sont rapides à réaliser et peu complexes,
- La gestion quotidienne de l’entreprise est allégée : la comptabilité est simplifiée. Aucun bilan annuel n’est requis. Seule une déclaration de chiffre d’affaires régulière (chaque mois ou chaque trimestre) est obligatoire.
Les limites de la micro-entreprise
L’impossibilité de déduire les frais réels en micro-entreprise
En micro-entreprise, le régime fiscal est simplifié : il repose sur un prélèvement forfaitaire basé sur le chiffre d’affaires. Peu chronophage, ce système peut être avantageux pour les petites activités. Toutefois, lorsque le chiffre d’affaires augmente, ce régime montre certaines limites.
En micro-entreprise, il est impossible de déduire les charges réellement supportées dans le cadre de l’activité entrepreneuriale (frais de déplacement, loyer, achats de matériel, amortissements…).
En EURL ou en SASU, la société peut être soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). Ce régime d’imposition permet de déduire de nombreuses charges et d'optimiser sa charge fiscale. Plus la société supporte des frais importants, plus elle a intérêt à passer à l’IS.
Dépassement des seuils de chiffre d’affaires : un basculement automatique vers l’EI
La deuxième limite est le plafond de chiffre d’affaires. En 2024, la micro-entreprise est limitée à :
- 188 700 € pour les activités commerciales,
- 77 700 € pour les prestations de services.
Si ces seuils sont dépassés pendant deux années civiles consécutives, le micro-entrepreneur perd le bénéfice du régime micro-entreprise à compter du 1er janvier de l'année suivante. Il bascule alors automatiquement vers le régime fiscal de l'entreprise individuelle (EI).
Ce changement entraîne des obligations comptables et fiscales plus complexes, notamment :
- Un passage au régime fiscal réel (simplifié ou normal),
- La tenue d’une comptabilité complète (avec un livre-journal, un grand livre, un bilan annuel et un compte de résultat),
- Les déclarations de TVA.
Ces obligations sont globalement les mêmes pour la SASU ou l’EURL. La question à se poser est surtout relative à l’avenir de la structure.
Changement de statut : entreprendre seul ou à plusieurs
L’EI reste une structure personnelle. Il est impossible d’accueillir des associés ou de lever des fonds. La transformation en société est possible, mais nécessite des démarches administratives complexes.
La SASU peut facilement évoluer en SAS, permettant d’accueillir des actionnaires ou des investisseurs.
L’EURL peut être transformée en SARL, un modèle adapté aux entreprises familiales ou aux petites structures à plusieurs associés.
En somme, l’EI peut être adapté à ceux qui n’envisagent pas de prendre des associés dans le futur.
Bon à savoir : autrefois, la principale limite de la micro-entreprise et de l’EI était que ces structures ne protégeaient pas le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Cela a changé depuis la loi n° 2022-172 du 14 février 2022. Le statut d'Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) a d’ailleurs été supprimé. Désormais, les entrepreneurs individuels bénéficient d'une séparation automatique de leur patrimoine personnel et professionnel. Leur patrimoine personnel est désormais protégé sans qu’ils aient à réaliser une déclaration de patrimoine d'affectation.
EURL et SASU : quelles sont les principales différences ?
Pour choisir entre l’EURL et la SASU, plusieurs critères doivent être pris en compte avec attention.
Les principales caractéristiques de l’EURL
L’EURL est une société à responsabilité limitée, conçue pour un associé unique. Pour faire simple : c’est une SARL à un associé. Voici ses caractéristiques clés :
- Une gestion encadrée : la grande majorité des règles de fonctionnement de l’EURL sont prévues par la loi. Cela ne laisse que peu de place pour l’interprétation ou la personnalisation. C’est un avantage pour ceux qui recherchent en priorité la sécurité juridique.
- IR par défaut, option pour l’IS : par défaut, l’EURL est imposée à l’IR. Mais il est possible d’opter pour l’IS, permettant de déduire les charges réelles.
- Le régime social des indépendants : le gérant d’une EURL est affilié au régime des travailleurs non-salariés (TNS). Cela implique des cotisations sociales réduites, mais une couverture moindre que le régime général.
L’EURL peut facilement être transformée en SARL afin d’accueillir un ou des associés. La SARL est un statut souvent adopté par des entreprises familiales, des TPE ou PME…
Les principales caractéristiques de la SASU
La SASU est une forme de société par actions simplifiée unipersonnelle. C’est une SAS à un associé. Voici ses caractéristiques clés :
- Une gestion flexible : la rédaction des statuts est personnalisable, puisque la SASU est peu encadrée par la loi. Les règles de fonctionnement peuvent ainsi être adaptées aux besoins spécifiques de l’entreprise. Cela offre également une grande souplesse, notamment pour la prise de décisions et les modalités de rémunération.
- IS par défaut, option pour l’IR : la SASU est soumise à l’IS, permettant la déduction des charges et une optimisation de la rémunération via un mix salaire-dividendes. Une option pour l’IR est possible, mais sous certaines conditions et pour une durée limitée.
- Le régime social des assimilés-salariés : le président de la SASU bénéficie du régime général de la sécurité sociale (assimilé-salarié). Il bénéficie d'une meilleure couverture maladie et retraite, bien que cela implique des cotisations sociales plus élevées.
La SASU peut facilement être transformée en SAS afin d’accueillir des actionnaires ou lever des fonds. La SAS est un statut souvent adopté par des entreprises innovantes, prévoyant une croissance rapide et recherchant une grande liberté dans la gestion de leur entreprise.
Bon à savoir : la création d’une SASU est plus complexe que celle d’une EURL. Les règles de fonctionnement n’étant que peu détaillées par la loi, la rédaction des statuts doit être précise et adaptée aux besoins.
Les étapes clés pour passer de micro-entreprise à EURL ou SASU
Étape 1 : déclarer la cessation d’activité de la micro-entreprise
La première étape consiste à clôturer la micro-entreprise. La déclaration de cessation d’activité se fait en ligne sur le site de l’URSSAF via le portail des auto-entrepreneurs.
Conseil : Il est recommandé de procéder à cette déclaration en fin d’année fiscale, pour éviter une double imposition ou des complications dans les déclarations de revenus.
Étape 2 : préparer la création de la nouvelle société
La création de l’EURL ou de la SASU implique plusieurs formalités. Voici les principales étapes à suivre :
Rédiger les statuts de la société
Les statuts constituent le document fondateur de la société. Ils définissent les règles de fonctionnement, comme :
- Les pouvoirs du gérant ou président,
- Les modalités de prise de décisions,
- Les conditions de transmission des parts sociales ou actions.
Pour rappel : En EURL, les règles sont prédéfinies et plus cadrées. En SASU, les statuts peuvent être personnalisés, ce qui demande plus de rigueur lors de leur rédaction.
Le capital social correspond aux apports effectués par l’associé unique pour constituer la société. En France, il peut être symbolique (par exemple, 1 €). Cependant, il est conseillé de prévoir un montant plus élevé pour renforcer la crédibilité de l’entreprise auprès des banques et partenaires.
Ouvrir un compte bancaire professionnel
Le capital social doit être déposé sur un compte bancaire professionnel. Une attestation de dépôt sera nécessaire pour l’immatriculation.
Publier une annonce légale
La publication d’une annonce légale dans un journal habilité est obligatoire pour informer le public de la création d’une société. L’annonce légale de constitution de SASU et l’annonce légale de constitution d’EURL officialisent juridiquement l’existence de la société.
Immatriculer la société au RCS
L’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) est la dernière étape. Elle se fait via le guichet unique des entreprises. Vous recevrez ensuite un extrait Kbis, qui atteste de l’existence légale de votre société.
Étape 3 : transférer l’activité de l’auto-entreprise à la nouvelle société
Une fois la société créée, il faut transférer l’activité de la micro-entreprise vers la nouvelle entité. Deux options principales sont envisageables :
Apport du fonds de commerce
La première option est de transférer les éléments de l’activité entrepreneuriale (clientèle, matériel, contrats…) à la société, en contrepartie de parts sociales.
Cela peut être avantageux fiscalement. Sous certaines conditions, l’apport peut bénéficier d’un régime d’exonération des plus-values.
Cession du fonds de commerce
La deuxième option consiste à vendre l’activité entrepreneuriale (ou une partie de ses actifs) à la nouvelle société.
Cette option est plus simple à mettre en œuvre. Cependant, elle entraîne généralement une imposition immédiate sur les plus-values de cession.
Étape 4 : gérer la transition administrative
Plusieurs formalités sont nécessaires pour assurer une transition fluide :
- Transférer les contrats existants (clients, fournisseurs, prestataires…) à la nouvelle société, souvent par avenant.
- Mettre à jour les autorisations administratives, licences ou certifications, si l’activité le nécessite.
- Informer ses partenaires (clients, banques, prestataires…) de l’existence de la nouvelle structure juridique.
Tableau comparatif des différents statuts : EI, micro-entreprise, EURL, SASU
Micro-entreprise (ou auto-entreprise) | Entreprise Individuelle (EI) | EURL (Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) | SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle) | |
---|---|---|---|---|
Responsabilité | Limitée au patrimoine professionnel ; le patrimoine personnel est protégé. | Limitée au patrimoine professionnel ; le patrimoine personnel est protégé. | Limitée aux apports, sauf en cas de faute de gestion ou de caution à titre personnel.
| Limitée aux apports. |
Fiscalité | IR avec prélèvement forfaitaire libératoire ou barème progressif sur le chiffre d'affaires. | IR sur les bénéfices de l'activité. | IR par défaut, sauf en cas d’option pour l'IS. | IS par défaut, option possible pour l'IR sous conditions et pour une durée limitée (5 exercices maximum). |
Protection sociale | Régime des travailleurs non-salariés (TNS). | Régime des TNS. | Régime des TNS pour le gérant associé unique. | Régime général de la sécurité sociale (assimilé salarié) pour le président. |
Gestion comptable | Très simplifiée. | Tenue d'une comptabilité complète. | Tenue d'une comptabilité complète. | Tenue d'une comptabilité complète. |
Évolutivité | Limitée : plafonds de chiffre d'affaires à respecter, sinon passage obligatoire à un autre statut. | Peu évolutive : transformation en société possible, mais nécessite des formalités complexes. | Évolutive : possibilité d'accueillir des associés et de se transformer en SARL. | Très évolutive : possibilité d'accueillir de nombreux actionnaires et de se transformer en SAS. |
Public cible | Entrepreneurs débutants, souhaitant tester une activité avec des formalités allégées. | Entrepreneurs avec une activité nécessitant peu d'investissements et souhaitant entreprendre uniquement en solo. | Entrepreneurs souhaitant une structure permettant de faire entrer des associés, en gardant le contrôle. | Startups, projets innovants nécessitant flexibilité, évolutivité et attractivité pour les investisseurs. |
Conclusion
Passer d'une micro-entreprise à une EURL ou une SASU est une décision importante pour tout entrepreneur qui souhaite structurer et faire évoluer son activité. Si la micro-entreprise est idéale pour débuter grâce à sa simplicité, elle atteint vite ses limites en cas de forte croissance ou de besoins plus complexes.
L’EURL est une option parfaite pour ceux recherchant un cadre stable et sécurisé, particulièrement pour des projets artisanaux, commerciaux ou familiaux. La SASU se distingue par sa grande flexibilité et son évolutivité. Ces caractéristiques sont appréciées par les entrepreneurs qui envisagent de faire entrer des actionnaires et/ou de développer un projet à forte ambition.
Avant de se lancer, il est essentiel d’évaluer ses priorités : optimiser sa fiscalité, bénéficier d’une meilleure protection sociale ou encore préparer l’entreprise à une croissance future.